Ne vous méprenez pas sur la teneur de ce post :-)….Il ne s’agit pas d’explorer de nouvelles insultes entre adeptes de la systémique, mais bien d’explorer l’un des principes fondamentaux de cette approche : le principe de totalité !
Le principe de totalité
Un système ne se résume pas à la simple somme de ses parties.
Ce qui fait le système, c’est l’assemblage de ses composants, les liens entre ses différentes parties – les interfaces – qui font que le tout possède des caractéristiques que les parties, prises une à une, ne possèdent pas*.
Ce qui fait la performance d’une équipe, ce n’est donc pas seulement la compétence de ses membres, c’est aussi et surtout la qualité de leurs interactions. Les joueurs de la coupe du monde sélectionnés par Aimé Jacquet étaient certainement bons, mais ensemble ils ont rapporté à la France son 1er titre de Champion du monde de foot en 1998.
A l’inverse, une équipe composée de joueurs talentueux individuellement peut aussi produire moins que la somme des parties….cf. la débâcle de l’équipe de France lors de la coupe du monde de foot en 2010 !
Tenir compte des interfaces à l’échelle du système
Pour comprendre la problématique d’une personne ou d’une équipe, il est donc indispensable de tenir compte de ses relations avec le système auquel elle appartient.
Car sa façon d’inter-agir et de se comporter est aussi le fruit des relations entretenues avec et par le groupe.
Pour illustrer ce dernier point, je vous propose un exemple à la fois extrême mais éclairant issu des travaux de l’école de Palo Alto. A la fin des années 50, l’anthropologue Gregory Bateson et son équipe bousculent les modes de pensée traditionnels et jettent les bases de la psychologie moderne en publiant un article controversé intitulé « Vers une théorie de la Schizophrénie ».
Cet article, basé sur l’étude de modes de communication pathologiques au sein des familles de schizophrènes, met à jour la notion de double contrainte. Sans conclure cependant que ce mode de communication est la cause de la schizophrénie, ils proposent une vision interactionnelle de la « maladie mentale » et ouvre ainsi la voie à la thérapie familiale et systémique.
La théorie affirme que l’existence de relations conflictuelles entre le malade et son entourage peuvent être le fruit de d’ordres absurdes et impossibles à exécuter : les doubles contraintes.
Voici un exemple de double contrainte : « Sois autonome ! ». Si je suis autonome (message explicite), je ne respecte pas l’autorité portée par l’injonction (message implicite). Si je respecte l’autorité, je ne peux pas faire preuve d’autonomie. Face aux injonctions paradoxales….je suis donc perdant….ou perdant.
Bateson et son équipe observèrent dans des familles de schizophrènes que l’utilisation des doubles contraintes visaient une « victime » qui – de par le rôle qui lui était attribué – incarnait le symptôme du dysfonctionnement et maintenait la cohésion du groupe au prix de sa santé mentale **.
Et dans le système « Entreprise » ?
Sans rentrer dans un débat clinique sur la validité de la théorie de Bateson, je trouve intéressant de faire le parallèle avec le monde de l’entreprise, ses doubles contraintes et ses membres apparemment « dysfonctionnels », que ce soient des individus ou des équipes. Voici quelques doubles contraintes que l’on retrouve souvent dans les organisations :
« soyez force de proposition »…. mais ne changez rien
« soyez créatifs »…. mais respectez les procédures et les processus en place
« soyez autonomes »…. mais passez par votre supérieur hiérarchique pour toute initiative
« développez l’esprit d’équipe et la collaboration »….mais récompensez uniquement la performance individuelle
« soyez leader » mais restez à l’écart des réflexions stratégiques
…des idées pour compléter la liste ?
Comment sortir de ces injonctions explicites ou implicites, mais toujours « piégeuses » ?
En rendant l’émetteur de la demande conscient du caractère paradoxal de sa demande : « J’ai l’impression d’être coincé(e) dans ce que tu me proposes »
En lui demandant de façon explicite ce qu’il attend : « Qu’attends tu de moi concrètement…? »
En lui proposant de choisir entre les deux injonctions : « Préfères-tu l’option A qui implique…ou l’option B qui implique…. »
Quant au vilain petit canard de l’équipe pour lequel personne ne fait ou ne dit rien et qui accapare toutes les conversations lorsqu’il a le dos tourné …..IL A SON UTILITE !!!!!
Un vilain petit canard délibérément maintenu dans ce rôle par le système peut servir à…. plein de choses.... et notamment à trouver de bonnes excuses pour…. ne pas atteindre des objectifs et détourner l’attention des dysfonctionnements chroniques du système….le vilain petit canard contribue donc à maintenir un « certain » ordre des choses. Ce qu’offre ici l’approche systémique est donc la possibilité de voir plus grand qu’un simple état de fait concernant une personne ou d’une équipe qui pose problème.
D’où l’intérêt et je dirais même la nécessité de bien intégrer l’environnement dans l’équation des possibles solutions !
Et vous ?
Quelles sont les doubles contraintes de votre système ? Pouvez-vous les nommer et les partager avec leur émetteur ? »
Connaissez vous un vilain petit canard (personne ou équipe) ?
Qu’est ce qui a déjà été entrepris pour parler du problème et le résoudre ?
En quoi cette personne / équipe est-elle utile au système : que permet-elle de faire ou ne pas faire ? A qui cela profite-t-il ?
Quelles sont les options possibles pour améliorer la qualité des interfaces du système ?
*65 outils pour accompagner le changement individuel et collectif – Arnaud Tonnelé - Eyrolles ** Wikipédia/Double_contrainte
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